Désobéir de F. Gros
Chapitre 13
« Penser, Désobéir sous forme d’envoi : La République »
Frédéric Gros ouvre ce chapitre
en présentant le motif qui le pousse à retourner à la littérature
platonicienne, à savoir le fait que Platon soit le premier à présenter ce
« pari du soi insubstituable ». Pour cela, il s’appuie sur la République de Platon.
Fréderic Gros commence par nous
présenter de manière rapide le contexte de l’œuvre. En effet, elle se déroule
durant l’apogée d’Athènes, dans la maison d’un vieillard très riche du nom de
Céphale qui trouve du plaisir à ce que ses fils reçoivent chez lui, grâce à sa
fortune. Cette fête représente le bonheur que possédait les membres d’une même
société à se retrouver. Parmi les amis de l’un des fils de Céphale, se trouve
Socrate. Céphale « fait le sage devant Socrate et fait l’éloge de la
vieillesse : la sérénité qu’elle inspire et l’avantage d’être dépris des
passions usantes de l’amour ». Socrate, par provocation, demande à Céphale
si ce n’est pas plutôt sa richesse qui lui fait paraître sa vieillesse si
douce ? Céphale lui répond que certes il est riche mais qu’il a toujours
fait en sorte de le rester en ne devant jamais d’argent à qui que ce soit. Et
que pour cela, il est quelqu’un de juste.
Tel est le commencement de La République où Socrate va
alors démontrer à Céphale que la bonne conscience ne suffit pas à établir ce
qui est juste. Pour cela, il prend comme premier exemple celui d’un ami qui
aurait confié au vieux Céphale ses armes et qui entre temps devenu fou, viendrait
les lui réclamer. Normalement, d’après sa promesse il devrait les lui rendre et
ferait ainsi ce qui est juste du point de vue de la justice imposée par la
société où une promesse est obligatoirement tenue puisqu’elle engage l’honneur
de la personne la faisant. Mais d’un point de vue éthique voyant que son ami
est psychologiquement instable il devrait ne pas les lui rendre. Socrate lui
demande alors ce qu’il ferait dans une telle situation. Céphale se sentant dans
une situation d’aporie laisse la question aux mains de son fils Polémarque. Ce
dernier répond que son père ne devrait pas rendre les armes à l’ami fou. Par
cette réponse, il apparaît comme étant le représentant d’une justice plus juste
parce que plus humaine et basée sur les sentiments.
En tant que représentant de cette
justice « plus humaine », Polémarque prend les décisions en
s’appuyant sur ses sentiments et va, par conséquent, privilégier ses amis.
Socrate montre alors à Polémarque la naïveté et par conséquent la faiblesse de
son raisonnement en lui faisant reconnaître qu’il est très difficile de
différencier les vraies amitiés des amitiés intéressées. Socrate lui pose alors
la question suivante : si le fait d’être juste signifie avoir plus de
capacité donnant à l’être humain la possibilité de réaliser plus d’actions
alors l’homme est-il plus juste, lorsqu’il a, avec les individus plus de moyens
ou plus de relations humaines ? Polémarque
ne sait pas quoi répondre. L’homme politique Thrasymaque prend sa place et
répond à Socrate la chose suivante : la justice est une farce sociale
basée sur la domination du plus fort sur le plus faible, elle est toujours
intéressée et repose sur la recherche du profit. La question de la « justice
équitable » qui parait comme étant un rapport de forces basé sur la peur,
est alors posée.
Frédéric Gros demande alors
qu’elle est le type d’intérêt qui anime ces hommes : est-ce la recherche
du profit ou la recherche d’avantages ?
Afin de répondre à cette
question, Frédéric Gros s’appuie sur Socrate pour qui l’intérêt des hommes
réside dans leurs pactisations. En effet, pour lui, il suffit de s’intéresser à
la situation des autres pour les aider et ne pas être uniquement à la recherche
du profit. Certes, parfois ces pactes ont des conséquences négatives mais
l’idée de fondement d’une justice apparait dès que les hommes font société.
Frédéric Gros introduit alors une
seconde problématique : comment choisir la vie la plus juste
possible ? Dans la société l’injuste reçoit tous les honneurs et les
avantages et le juste tous les désavantages. La justice ne peut donc pas par
conséquent servir au bonheur d’un personne. En effet, si dans la justice « l’avis
du juste vaut mieux que celle de la canaille » il faut le démonter. Dans
la société, la justice apparaît aussi comme étant une contrainte acceptée. Mais
si la justice tient, ce n’est pas parce qu’elle est librement acceptée par les
hommes mais grâce à une pression sociale extérieure. Cette idée est illustrée
par l’histoire du berger Gygès qui après avoir trouvé un anneau, commet des
crimes épouvantables en toute impunité puisqu’en tournant l’anneau qui signe
son crime, il n’est pas retrouvé par la justice. Lorsque le regard des autres n’est plus
présent, l’être humain se retrouve face à lui-même et représente le plus grand
danger.
La réelle justice apparaît comme
étant la justice intérieure qui permet de protéger l’homme de lui-même.
Frédéric Gros prend l’exemple de Platon qui, pour trouver la justice intérieure,
crée une ville où l’entraide règne entre les êtres. L’assistance se trouvant à
la fête organisée par les enfants du vieux Céphale est mécontente et demande à
Socrate d’approfondir son idée. Il fait alors entrer dans cette ville, la
culture, l’ambition et la vanité. Une guerre éclate alors entre les individus.
La question qui se pose est comment éduquer les guerriers. Platon propose comme
réponse la beauté notamment celle des corps pour d’éduquer les individus. Mais
la musique est aussi une des manières d’éduquer. Dans la Grèce Antique, la
musique servait à raconter des histoires aux enfants. Platon ordonne alors que
dans cette ville, les poètes et les musiciens ne racontent pas d’histoire aux
enfants.
Après avoir vu le travailleur et
le guerrier, Platon propose un autre personnage, celui du sage. Pour lui, la
sagesse est le fait de rejeter les évidences. Pour illustrer cette idée, il
prend l’exemple de l’histoire de la caverne où les évidences sont représentées
par des ombres projetées dans la caverne et où les êtres humains sont représentés
par des hommes enchaînés incapables de penser et de se soustraire aux évidences.
A partir de cette anecdote, Frédéric
Gros présente la sagesse comme étant la possibilité de juger les situations en remettant
en cause les évidences et d’agir en conséquence. La cité donne à chacun sa
place. La justice est ce qui encadre et permet aux individus de garder cette
place. « L’homme injuste a perdu son compagnon le plus intime :
lui-même ». Si l’on est juste de l’intérieur alors on peut ne plus être effrayé
par l’anneau de Gygès.
Frédéric Gros conclut ce chapitre
en présentant une dernière histoire racontée par Socrate dans La République qui est celle des petits paquets de vie. En
effet, Pour Platon, nos âmes se trouvent dans une plaine où elles choisissent
des petits paquets qui contiennent leur destinée et qui déterminent leurs statuts
de tyran ou de travailleurs… Avant de sortir de la réalité Idéale où elles se
trouvent, les âmes boivent à la source de l’Oubli. Par ce dernier mythe,
Frédéric Gros rappelle au lecteur que l’homme peut à tout moment choisir d’être
libre puisque c’est cette puissance de choix qui fait qu’il n’est jamais trop tôt
pour être libre ou trop tard pour bien faire.