Avis critique d'Emmanuelle Martel


Avis Critique sur Désobéir de F. Gros

A travers le monde les inégalités s’accroissent, la classe moyenne disparait, l’environnement se dégrade dangereusement et rien ne bouge ou si peu, que cela pose la question de l’obéissance massive. Pourquoi se plie-t-on à l’ordre sans y réfléchir ? Dans son livre Frédéric Gros nous fait comprendre que désobéir face à un monde qui va de travers devrait être une urgence, cela devrait aller de soi. Pour cela, il revient aux causes et origines de l’obéissance avant de justifier la nécessité de la désobéissance. Il semble suivre le chemin emprunté par La Boétie dans son Discours de la servitude volontaire.

Désobéir s’organise donc en plusieurs chapitres titrés et constituant un véritable cours sur le sujet tant les références philosophiques et littéraires y sont nombreuses, ce qui est enrichissant et idéal pour faire le tour du sujet obéissance/désobéissance d’un point de vue philosophique et éthique. La difficulté du livre s’évalue en fonction des chapitres, certains très simples d’accès et d’autres un peu plus complexes mais dans l’ensemble pas besoin d’être un expert en la matière pour pouvoir s’imprégner de la pensée de l’auteur.

Si le livre dans sa globalité est très intéressant, on peut se demander pourquoi Frédéric Gros ne réfère notre capacité à désobéir qu’au seul pouvoir de notre conscience et de notre maîtrise de soi. Les propos de l’auteur prennent une tournure moralisatrice assez déplaisante car ces deux choses résultent d’une éthique personnelle, et lorsque depuis toujours on nous prêche une idéologie et que nous n’avons pas la possibilité d’accéder à d’autres horizons il est par définition très difficile de se révolter et de désobéir puisqu’on a même pas conscience qu’il existe d’autres façons de faire, vivre ou penser. On peut prendre l’exemple du peuple de la Corée du Nord à qui son gouvernement assure qu’ils sont dans le pays le plus sécuritaire au monde alors que c’est tout l’inverse.  

Une chose gênante aussi, l’auteur n’a pas abordé le thème de l’empathie, qui est la faculté d’être sensible à la souffrance des autres et présente en principe chez tout le monde, y compris chez les animaux tels que les grands singes et qui est bien avant la morale, la religion et la philosophie le « frein de la violence », il aurait été en effet intéressant de lire sa réflexion sur la question de l’empathie par exemple sur les sujets ayant subi l’expérience de Stanley Milgram. On a l’impression que Frédéric Gros ne se penche sur la question de l’obéissance qu’à travers un débat philosophique, or il aurait été intéressant de prendre en compte les autres sciences sociales là-dessus.

Pour finir, Désobéir est un livre de philosophie bien documenté, relativement accessible et qui tient un débat qui sera toujours d’actualité.



Martel Emmanuelle, TL