Avis Critique sur Désobéir de F. Gros
A travers le monde les inégalités s’accroissent, la
classe moyenne disparait, l’environnement se dégrade dangereusement et rien ne
bouge ou si peu, que cela pose la question de l’obéissance massive. Pourquoi se
plie-t-on à l’ordre sans y réfléchir ? Dans son livre Frédéric Gros nous
fait comprendre que désobéir face à un monde qui va de travers devrait être une
urgence, cela devrait aller de soi. Pour cela, il revient aux causes et
origines de l’obéissance avant de justifier la nécessité de la désobéissance.
Il semble suivre le chemin emprunté par La Boétie dans son Discours de la
servitude volontaire.
Désobéir s’organise donc en plusieurs chapitres titrés et constituant
un véritable cours sur le sujet tant les références philosophiques et
littéraires y sont nombreuses, ce qui est enrichissant et idéal pour faire le
tour du sujet obéissance/désobéissance d’un point de vue philosophique et
éthique. La difficulté du livre s’évalue en fonction des chapitres, certains
très simples d’accès et d’autres un peu plus complexes mais dans l’ensemble pas
besoin d’être un expert en la matière pour pouvoir s’imprégner de la pensée de
l’auteur.
Si le livre dans sa globalité est très intéressant, on
peut se demander pourquoi Frédéric Gros ne réfère notre capacité à désobéir
qu’au seul pouvoir de notre conscience et de notre maîtrise de soi. Les propos
de l’auteur prennent une tournure moralisatrice assez déplaisante car ces deux
choses résultent d’une éthique personnelle, et lorsque depuis toujours on nous
prêche une idéologie et que nous n’avons pas la possibilité d’accéder à
d’autres horizons il est par définition très difficile de se révolter et de
désobéir puisqu’on a même pas conscience qu’il existe d’autres façons de faire,
vivre ou penser. On peut prendre l’exemple du peuple de
la Corée du Nord à qui son gouvernement assure qu’ils sont dans le pays le plus
sécuritaire au monde alors que c’est tout l’inverse.
Une chose gênante aussi, l’auteur n’a pas abordé le
thème de l’empathie, qui est la faculté d’être sensible à la souffrance des
autres et présente en principe chez tout le monde, y compris chez les animaux
tels que les grands singes et qui est bien avant la morale, la religion et la
philosophie le « frein de la violence », il aurait été en effet
intéressant de lire sa réflexion sur la question de l’empathie par exemple sur
les sujets ayant subi l’expérience de Stanley Milgram. On a l’impression que
Frédéric Gros ne se penche sur la question de l’obéissance qu’à travers un
débat philosophique, or il aurait été intéressant de prendre en compte les
autres sciences sociales là-dessus.
Pour finir, Désobéir
est un livre de philosophie bien documenté, relativement accessible et qui
tient un débat qui sera toujours d’actualité.
Martel Emmanuelle, TL